Depuis quelque temps, les médias rapportent un grand nombre d’abus (notamment financiers) à l’égard des personnes âgées. Et force est de constater que les moyens mis en œuvre par les fraudeurs sont de plus en plus «technologiques»; et on peut supposer que les moyens mis en œuvre pour contrecarrer les abuseurs deviendront eux-aussi de plus en plus « technologiques » pour suivre le mouvement.
Les « techniques » des abuseurs
Il y a bien sûr les fraudes téléphoniques, comme ce Montréalais qui a fraudé des personnes âgées en Alberta voire même en Colombie Britannique et qui a fait l’objet d’une enquête par la police (1).
Ce type de fraude vise généralement des personnes âgées, à qui l’on fait croire au téléphone qu’un proche a besoin d’argent immédiatement pour se sortir du pétrin – un accident ou des démêlés avec la justice -, par exemple. Le fraudeur demande à sa victime d’envoyer de l’argent au moyen d’un transfert, d’une carte de crédit prépayée ou par messagerie. (1) |
Il y a aussi des fraudes dans les résidences pour aînés et les CHSLD, où les fraudeurs manifestent parfois des trésors d’ingéniosité, comme cette préposée qui a volé les cartes de crédit d’une résidente, ou cet employé d’une coopérative de solidarité de services à domicile, qui desservait plusieurs résidences pour personnes âgées(3), ou encore cette autre préposée, qui se rendait chez ses patients à domicile et qui les aurait fraudés de plus de un demi million de dollars (4).
Et les plaintes de cette nature sont en hausse, comme le souligne le journaliste Tommy Chouinard (4). On peut noter cependant que ces fraudes faites par des préposés aux bénéficiaires n’ont pas toutes été perpétrées dans des RPA. Les statistiques semblent êtres les suivantes: soins à domicile : 44%; Chsld : 23% et RPA : 16% (4).
La technologie pour contrer les abus
On comprend donc l’importance de l’étude des antécédents judiciaires (autre technique au service des usagers des résidences pour ainés), pour repérer des préposés comme ceux cités plus haut qui n’en étaient pas à leur première frasque (2). La création d’un « ordre professionnel » qui encadrerait la pratique des préposés aux bénéficiaires a même été proposée pour effectuer un contrôle plus serré(4).
Lorsque toutes les mesures de prévention ont échoué, les enquêteurs et leurs technologies prennent le relais : par exemple, une enquête sur des fraudes dont furent victimes des aînés à Calgary a nécessité la collaboration d’enquêteurs des services de police de Calgary, d’Edmonton et de Montréal, la GRC et les compagnie de transfert d’argent Western Union et Moneygram International(1); et à Montréal, un sergent détective de la SPVM est « responsable du traitement des plaintes pour fraude contre les personnes âgées » (4).
Comme on le voit, si les fraudeurs utilisent à leur compte la technologie (vol de cartes de crédit, appels téléphoniques frauduleux…) la technologie peut aussi être utilisée contre ces fraudeurs…
Reste à savoir jusqu’où la technologie peut être employée sans se retourner contre ceux et celles qu’elle doit protéger…
Les limites de la technologie
Tout cela nous amène au plus récent débat entourant les caméras de sécurité dans les CHLD et les résidences pour personnes âgées. Est-ce que la technologie va trop loin au nom de la sécurité des résidents, au point de menacer leur intimité et celle de leurs proches?
Une journaliste a souligné les limites techniques des caméras dans les résidences pour aînés :
Hors du champ de la caméra, hors de l’espace privé, qu’elles sont les conditions de vie réservées au résident?(…)La vie des personnes âgées ne deviendra pas plus rose parce qu’une caméra capte ce qui se passe dans leur chambre. Évitons de créer un faux sentiment de sécurité et de confiance (5) |
Par ailleurs, le danger est évidemment d’instaurer un monde à la Big Brother dans les RPA, où les doits des résidents sont bafoués. Le Protecteur du Citoyen ne s’y est pas trompé lorsqu’il écrit que :
Le droit à l’installation de caméras de surveillance dans une chambre privée est une question délicate, qui touche le respect à la vie privée de plusieurs personnes. En ce sens, son application ne doit pas être prise à la lettre puisque chaque situation est particulière (6). |
Dans une lettre datant du 29 avril 2015 (7), il convient que
Force est de constater que que la jurisprudence est en développement sur la question particulière de l’installation de caméras de surveillance dans les chambres privées des personnes âgées hébergées (7)(p.2). |
Dans sa lettre, le Protecteur parle notamment des règles entourant l’enregistrement d’une conversation (7) (p.2), de l’autorisation requise pour installer une caméra (7) (p.3) et du point de vue des préposés dans de telles situations : accepteraient-ils de travailler dans un lieu surveillé au moyen d’une caméra?
`
Il serait intéressant que les modalités d’utilisation des caméras soient inscrites dans le code d’éthique des résidences pour personnes âgées où le procédé est accepté… Il faudrait réfléchir sur les limites des caméras en lien avec la gestion de la qualité (puisqu’une caméra n’est pas une panacée, elle ne peut être utilisée que comme complément à d’autres mesures), sur les raisons qui expliquent son installation (puisque, comme le dit le Protecteur, il s’agit de « cas par cas ») et sur le suivi indispensable après son installation, le tout en respect bien sûr avec la Charte des droits et libertés de la personne.
Ainsi, la technologie semble de plus en plus s’immiscer dans l’univers des résidences pour aînés, en tant qu’auxiliaire pour la sécurité des résidents. Elle suscite de nombreux questionnements, de nature légale ou autres, sur les formes qu’elle doit prendre, sur son efficience et les modalités de son utilisation, et sur ses limites…
C’est à suivre!
(1) « Un Montréalais accusé d’avoir fraudé plusieurs personnes âgées en Alberta »,
http://www.lapresse.ca/actualites/justice-et-affaires-criminelles/faits-divers/201502/18/01-4845363-un-montrealais-accuse-davoir-fraude-plusieurs-personnes-agees-de-lalberta.php
(2) MASSICOTTE, Nancy, « Une préposée écope de 40 heures de travaux communautaires».
http://www.lapresse.ca/le-nouvelliste/justice-et-faits-divers/201504/29/01-4865340-une-preposee-ecope-de-40-heures-de-travaux-communautaires.php
(3) GOBEIL Dominique, « Abus dénoncés par des résidants »
http://www.lapresse.ca/le-quotidien/actualites/201506/11/01-4877379-abus-denonces-sur-des-residants.php
(4) CHOUINARD, Tommy, « Hausse des plaintes contre les préposés aux bénéficiaires ».
http://www.lapresse.ca/actualites/sante/201504/27/01-4864962-hausse-des-plaintes-contre-les-preposes-aux-beneficiaires.php
(5) BRETON, Brigitte, « Une chambre avec caméra »
http://www.lapresse.ca/le-soleil/opinions/editoriaux/201506/06/01-4875941-une-chambre-avec-camera.php
(6) Protecteur du citoyen, « Caméras de surveillance dans les CHSLD : des conditions essentielles pour assurer le respect de la vie privée » 5 juin 2015.
https://protecteurducitoyen.qc.ca/fr/nouvelles/communiques/cameras-chsld
(7) Lettre du protecteur du citoyen
https://protecteurducitoyen.qc.ca/sites/default/files/pdf/lettre-cameras-chsld.pdf
ptBRP84.2
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