On peut dire que le dixième anniversaire de l’observatoire Vieillissement et Société (OVS) fut célébré en grande pompe à l’occasion du 45ème colloque organisé par cet organisme. C’est en effet plus de 200 personnes qui se sont retrouvées dans le tout nouvel auditorium « Le Groupe Maurice » pour assister aux diverses présentations, toutes plus intéressantes les unes que les autres, avec comme animatrice la journaliste Jocelyne Cazin.
Il serait trop long de résumer en un seul article cette journée qui fut bien remplie. Nous vous invitons à consulter ici le programme pour avoir une idée de son déroulement (1). Nous allons pour notre part commenter brièvement les communications des divers participants en les regroupant en deux thèmes qui font l’objet du présent texte et du suivant:
1. Un survol de l’hébergement pour aînés ;
2. La vision des aînés et celle des concepteurs de RPA.
Commençons par le premier thème.
Survol historique
Au tout début du colloque, Claude Paré, président-fondateur de Visavie, et Jean-François Gilbert, de Groupe Altus, ont uni leurs forces pour nous brosser un portrait des 25 dernières années en matière d’hébergement pour aînés. Monsieur Paré fait remarquer que dans les années 1985, aucune formule d’habitation ne répondaient aux besoins des « autonomes tannées », comme il les appelle, à savoir les personnes qui n’ont pas encore besoin de soins ou d’assistance, mais qui sont « tannées » de tondre la pelouse, d’entretenir leur maison, etc.
Les premières formules d’hébergement ont donc tenté de répondre à leurs besoins, mais avec peu de succès. En effet, les promoteurs avaient sous-estimé l’importance des services à leur apporter, si bien que, durant la période 1986-1991, environ, l’offre est moins importantes que la demande : les gens veulent plus de services. De nombreuses résidences ferment leurs portes, et des propriétaires confient leur(s) résidence(s) pour aînés à des gestionnaires…
Mais divers éléments positifs pour le marché des résidences pour personnes âgées vont se manifester : le marché de la revente des maisons qui est très bons ; le crédit d’impôt pour maintien à domicile ; l’augmentation de l’intérêt des investisseurs grâce notamment à la caisse de dépôts ; la redéfinition des CHSLD, qui gardent désormais les cas les plus lourds ; la présence de prêteurs spécialisés et le soutien de la SCHL ; une offre de services plus adaptée à la demande et enfin la capacité de payer plus grande de la part des résidents potentiels du fait que dans un couple, les deux travaillent.
Tout cela prélude à ce que Claude Paré appelle « le boom des années 2000 » (1999-2008), marqué par l’émergence de grands groupes (Groupe Maurice et autre) qui créent ce qu’il appelle des « Clubs Med pour aînés ». Dès lors, l’image de l’habitation pour aînés va changer. Ces nouvelles résidences sont plus grosses, plus spacieuses et pourvues de plus de services.
Mais à cette période d’ « euphorie » en succède une de marasme, avec la crise financière de 2009 dont les conséquences continuent de nous hanter aujourd’hui : le taux d’inoccupation augmente, les faillites se succèdent…
Qu’en est-il aujourd’hui ?
Les limites de la règlementation…
Dans un contexte où la société vieillit, où le nombre des résidences pour personnes âgées augmente de même que les normes et les exigences pour les gérer, Yves Desjardins, Président-directeur général du RQRA, a pour sa part intitulé sa présentation : « L’hébergement des aînés en résidence : Un fragile équilibre ». Cet équilibre fragile qu’il constate dans le milieu tient à différents facteurs : l’augmentation de l’espérance de vie, qui s’accompagne évidemment des incapacités qui surviennent à un âge plus avancé. On remarque en outre l’augmentation de maladies chroniques. D’où une complexification de la situation qui augmente les coûts. Et dans ce contexte, est-ce que les aînés ont tous les moyens d’appréhender l’avenir ? N’oublions pas qu’il y a des personnes seules et à faible revenu…
Or la situation des résidences privées pour aînés est problématique. Il rappelle que si certaines d’entre elles accueillent des personnes autonomes, il y en a plusieurs qui hébergent des personnes ayant besoin de 3 heures soins. En 2012, remarque-t-il, le nombre des résidences pour personnes âgées a doublé par rapport à 1994. La moyenne d’âge des résidents est de 84 ans (78 ans à l’entrée), et la majorité des résidences pour personnes âgées ont moins de 49 unités. Par ailleurs, chaque municipalité possède sa RPA. On la retrouve dans des bungalows ou des presbytères. Et il semble que le loyer au Québec est le plus bas dans tout le Canada, pour une clientèle qui, au Québec, semble préférer cette formule d’habitation par rapport à ailleurs au Canada. D’où la nécessité d’adapter les résidences d’aînés à la réalité d’aujourd’hui.
Dans ce monde des résidences pour aînés, l’équilibre est précaire du fait de l’incertitude liée à la certification. Monsieur Desjardins soutient que l’augmentation des exigences aura un effet néfaste en particulier sur les petites résidences qui devront fermer faute de moyens financiers suffisants pour se certifier. En fait, il soutient que 2013 sera une « année charnière » : l’augmentation des coûts liés à la certification, et l’incapacité d’augmenter les loyers indûment pour faire face à ces exigences forceront de nombreux propriétaires à fermer leur RPA, car vendre n’est pas une alternative dans le contexte du retrait de la SCHL de ce genre de transaction. Ainsi, même si les grosses résidences d’aînés ont plus de chance de s’en sortir, la baisse de l’offre de services amène « un risque de rupture ».
Dans ce contexte, Monsieur Desjardins rappelle que le RQRA demeure « partenaire du système de santé pour l’hébergement pour aînés », notamment en promouvant la qualité, en vendant de la sécurité et en adaptant les offres de services, notamment en développant des résidences évolutives, tout en faisant face à la pénurie de main d’œuvre…
Le défi est de taille : maintenir cette ressource essentielle que sont les résidences pour personnes âgées tout en établissant des règles de contrôle strictes…
Visions politiques…
L’un des panelistes invités est un ancien sociologue. D’entrée de jeu, il avoue qu’il n’habite pas encore dans une résidence d’aînés. Ce qui ne l’empêche pas de nous dresser un bilan des défis que représente le maintien à domicile des personnes âgées. Selon, lui, le gouvernement doit faire face à trois défis.
Le premier concerne l’épuisement physique des femmes. Avec la professionnalisation de ces dernières dit-il, on s’est attendu à un changement dans la répartition des tâches entres hommes et femmes ; malgré cela, l’épouse continue de s’occuper de tâches qui lui étaient traditionnellement révolues, en d’un parent âgé. Monsieur Laporte souligne que la Suède a résolu le problème en instituant une flexibilité du marché du travail afin de permettre aux gens (hommes et femmes) de concilier leur profession et leur rôle d’aidant : congé de travail, période de répit-repos, etc.
Le second défit concerne ce qu’il appelle la « délocalisation des carrières professionnelles » : Les enfants partent souvent à l’étranger ou dans une autre ville pour travailler, phénomène qui, conjugué avec le fait qu’il y a moins d’enfants et que les amis sont moins disponibles, provoquent ce que les sociologues appellent le « rétrécissement de l’atome social d’aide », ce qui oblige les aînés à se tourner vers les services professionnels.
La coopération des acteurs de soins et services est le troisième défi. Mais pour que la coopération fonctionne, rappelle Monsieur Laporte, « il faut apprendre à coopérer ». C’est en effet là que réside le défi !
Quel est la réponse du gouvernement à tout ce qui précède ? Marielle Benoît, qui représentait le Ministre de la Santé Rejean Hébert, nous a entretenus sur la politique du Ministère. On pourra suivre le développement dans les mois qui suivent. Pour l’instant, notons la nécessité pour l’État de trouver des avenues en ce qui a trait au financement, de revoir l’offre de services en développant des ressources assez développées et complémentaires, de porter un regard sur les besoins évolutifs et de prendre en considération l’intensité des services en fonction des besoins spécifiques (par exemple à la suite d’une fracture on désire retourner chez soi le plus rapidement possible ; il n’est pas nécessaire de demeurer à l’hôpital).
Madame Benoît s’attarde également sur les « tendances émergentes », notamment en ce qui a trait à l’amélioration de la qualité des soins offerts à domicile (en identifiant les normes et standards), à la diversification des milieux de vie en fonction des besoins (la coordination entre soins aigus et soins de longue durée, sachant par exemple que une journée alité demande 3 jours de réadaptation au patient et qu’il y a ainsi danger de rendre une personne âgée non-autonome si elle demeure trop longtemps à l’hôpital).
Comme on le voit, la situation des résidences pour personnes âgées s’inscrit tout naturellement dans un contexte beaucoup plus large, à l’intérieur duquel elle devront trouver leurs bases.
(1) http://www.ovs-oas.org/GetSimple/
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