COLLOQUE OVS : 2. LA VISION DES AÎNÉS ET CELLES DES CONCEPTEURS DE RÉSIDENCES POUR PERSONNES ÂGÉES.

Certains conférenciers ont souligné que les résidences pour personnes âgées qui ne vont pas s’adapter vont disparaître. Or « s’adapter » veut dire prendre connaissance des besoins et désirs des principaux intéressés : Les personnes âgées ! Et le colloque OVS ne les a pas oubliés.

La vision des résidents… ou futurs résidents.

Madame Thérèse Boudreau-Dionne, membre du conseil des aînés de Pointe-Saint-Charles, a participé à la création d’un projet d’habitation communautaire, appelé La Cité des Bâtisseurs (1). L’intérêt du projet, comme elle l’explique, est d’avoir impliqué les aînés en les questionnant sur leurs besoins. Elle souligne par exemple la nécessité de faire remplir un questionnaire par tous les futurs résidents afin de connaître les loisirs qu’ils pratiquent et de pouvoir les organiser dans la résidence…

Mais est-ce qu’il suffit de vivre dans une résidence pour personnes âgées pour être heureux ?

Claude Tessier est nouvellement locataire. Au départ, il recherchait une résidence pour sa sœur qui s’est résignée à aller vivre dans une résidence pour aînés offrant plus de soins. Quant à Monsieur Tessier, il a finalement choisi d’aller lui-aussi habiter dans une résidence d’aînés. Mais est-il content de son choix ? Pour ce qui est du paysage qui donne sur son appartement, c’est bien. Mais pour le reste, il est déçu… Pour lui, les « vieux » sont des personnes âgées qui ont abdiqué. Il met l’emphase sur la solidarité qui doit être favorisée et développée dans la RPA, car cette solidarité s’effrite peu à peu entre 60 et 80 ans avec la perte des proches et le repli sur soi, solidarité qu’il ne retrouve pas. Il propose, par exemple, de rédiger une page dans le journal de la RPA, lequel ne doit pas être qu’une publication décrivant les activités à venir!

Notons ces deux éléments : participation à la conception (notamment pour les loisirs) et solidarité à développer.

Voilà pour les aînés d’aujourd’hui. Mais qu’en est-il des aînés de demain ?

L’ « age wave »

Claude Paré a parlé de l’ « age wave ». De quoi s’agit-il ? Il s’agit d’un phénomène mondial, qui se terminera dans les années 2031-2035. Dans ce mouvement, il semble que la population la plus représentée soit née entre 1946 et 1966. À ce boom générationnel s’ajoute le fait que ces gens ont une espérance de vie plus élevée et moins de différences entre les sexes (85 ans pour les hommes et 88 ans pour les femmes). Les femmes, par ailleurs, sont sur le marché du travail. Cette génération du baby boom a développé une volonté de dépenser et de s’affirmer, un culte de l’anticonformisme, et revendique le droit au choix d’une fin de vie. Ces gens ont par ailleurs l’expérience du placement d’un proche, ce qui les fait réfléchir sur leur propre futur en tant que personnes âgées. Ils ont aussi l’expérience de vivre seul. Tout cela implique de trouver des aidants naturels pour ces gens, quand ils en auront besoin. Pas facile quand on sait qu’il y a moins d’enfants…

Alors comment répondre aux besoins de tous ces gens en matière d’habitation ?

La notion d’habitat

Pour Jean-François Gilbert, Directeur chez Groupe Altus, « l’habitation naît de l’habitat décrit par l’habitant ». La notion d’habitat se définit donc par divers aspects : sa dimension affective (sentiment d’appartenance) ; le transport en commun à adapter au boomer de 85 ans ; la densité et la mixité de la population, qui est un autre défi lancé aux villes ; l’attachement à la ruralité ; la communauté d’intérêts ; la présence de commerces à grande surface ; le respect de la règle de 500 mètres (qui postule qu’au-delà de 500m, il y a perte du sentiment de sécurité) ; la notion de « +1 » (les services de proximité auxquels on a accès près de son domicile sont un plus dans notre vie, ce qui implique un baisse du coût d’habitation, d’entretien, de taxation et la possibilité de socialiser, compte tenu de toutes ces ressources qui viennent avec le logement…).

Les résidences pour personnes âgées… À quoi devraient-elles ressembler ?

L’un des conférenciers, Maxime Alexis Frappier, architecte associé à l’ACDF, a été frappé par des mots qui ont été dits par les conférenciers précédents, et qui lui semblaient résumer les préoccupations des aînés en regard à l’hébergement : isolement, échelle humaine, mixité, rigueur de la conception, nostalgie, intimité…
Il déplore l’ « orgie architecturale » qui prévaut actuellement dans bon nombre de projets internationaux, qui sont criards, vulgaires… Il propose au contraire d’investir dans la qualité des matériaux, dans la ventilation, dans la luminosité… Il a parsemé son intervention de nombreuses photographies, glanées dans plusieurs pays. On ne peut que s’émerveiller de l’enthousiasme manifesté par certains constructeurs et architectes à construire des habitations pour aînés, même si certaines d’entre elles présentent effectivement les caractéristiques de l’orgie architecturale qu’il abhorrait plus haut. Heureusement, au Québec, constate-t-il, on n’a pas suivi le mouvement de certains autres pays où l’on tente d’attirer des personnes âgées dans des immeubles à l’architecture bigarrée et tonitruante…

Pour Maxime-Alexis Frappier, il y a un constat à faire : aller vivre dans une résidence pour personnes âgées exige une transition qu’il faut gérer. Et dans toute transition, il y a un risque de bouleversement émotif lié à une perte des repères. De plus, le déclin des religions amène, pour compenser, à la nécessité du recueillement, à l’intimité, à la spiritualité… Mais si les gens sont de plus en plus individualistes, comment faire en sorte qu’ils puissent vivre ensemble ? Chaque personne étant différente, il privilégie la mixité des bâtiments qui se côtoient, comme placer une résidence d’aînés de 50 unités près d’une autre de 150. Il loue les bâtiments responsables, comme les maisons énergétiques ou celles avec cultures biologiques, « où l’humain a un rôle à jouer ».

Fort de son expérience dans la conception d’habitats conçus pour accueillir des communautés religieuses, il parle d’habitat semi collectif, c’est-à-dire présentant des lieux individuels, intimes mais regroupés… L’intimité, par exemple, implique de ne pas révéler les gens dès que l’on ouvre la porte d’entrée. Mais l’intimité, c’est aussi de pouvoir se rassembler entre amis, deux ou trois, pour discuter ou faire une partie d’échec sans être dérangés par les autres. Quant à l’aspect collectif, il peut se manifester par des espaces ensoleillés, colorés voire « odorants ». L’architecte donne à ce sujet l’exemple de l’odeur de biscuits cuisant tranquillement dans la cuisine et qui se diffuse dans la salle commune qui y est attenante… Autant de « stratégies » déployées par les architectes pour rendre les habitats plus… habitables !

La vision d’Ernesto Morales, l’autre architecte qui a participé au colloque, est tout aussi essentielle. Chercheur au Centre interdisciplinaire de recherche en réadaptation et intégration sociale (CIRRIS), il s’est intéressé à la sécurité chez soi et dans les RPA, s’appliquant à repérer les lieux dangereux ou mal conçus pour les personnes âgées. Son étude a le mérite de passer en revue toutes les sections d’un logement (entrée, salle de bain, chambre à coucher, etc.) et de les « coter », pour ainsi dire, en fonction de leur accessibilité et de leur adéquation pour les personnes âgées, mais pas seulement pour ces dernières, car les personnes jeunes peuvent aussi bénéficier d’un environnement sécuritaire. Les travaux de recherche de Monsieur Morales sont donc à suivre !

Voilà pour les résidences pour personnes âgées. Mais il ressort du colloque que d’autres formules d’habitation pourraient être disponibles aux aînés.

D’autres formules d’hébergement.

Jean-François Gilbert a parlé de formes d’habitation non traditionnelles, telles que condos, maisons multigénérationnelles, logements bi-générationnels (qui peuvent ressembler par exemple à deux 4 et demi qui sont reliés par une place centrale qui est le lieu de rencontre entre une personne âgée habitant dans l’un des 4 et demie et son fils qui habite dans l’autre). Quant aux communautés de retraités, que l’on retrouve notamment aux États-Unis et en Ontario, il semble qu’il y ait certains problèmes lorsque les « jeunes vieux » côtoient les « vieux vieux ». La valeur des propriétés tend à baisser, ce qui les rend difficiles à vendre. La formule « communautaire » semble toutefois plaire à de nombreuses personnes. Une expérience de ce genre a en effet été relatée durant le colloque, où les membres ont créé un comité qui gère la communauté. Bien sûr, cette formule ne convient pas à tout le monde. Mais elle est constitue sans doute une alternative intéressante pour les personnes qui n’ont pas peur de s’investir dans la communauté.

D’autres conférenciers ont soulevé d’autres projets intéressants. « Aging in place », par exemple, qui offre des services communautaires et des visites préventives pour les personnes de 75 ans et plus. Dans ce contexte, il semble qu’au Danemark, aucune nouvelle maison de retraite n’a été ouverte depuis longtemps ! En France, il y a des habitats évolutifs équipés de solution domotiques et en Suisse, il y a des habitats intergénérationnels avec prise en charge coordonnée des personnes âgées fragiles. Et enfin, le Royaume Uni offre une alternative à l’hébergement grâce à un soutien financier…

À quoi ressemblera l’hébergement pour aînés au Québec dans l’avenir ? Difficile à dire. Mais devant le vieillissement de la population, de nombreuses avenues se présentent qui méritent qu’on s’y attarde. Et l’animatrice, Madame Jocelyne Cazin, a déploré à quelques reprises qu’un tel colloque n’ait pas eu lieu dix ans plus tôt… pour se préparer. Souhaitons en tout cas que de tels rassemblements n’attendront pas… encore dix ans pour se manifester !

(1) http://www.citedesbatisseurs.org/

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