LES RÉSIDENCES POUR PERSONNES ÂGÉES ET LA GENTRIFICATION

C’est bien connu que la plupart des personnes âgées qui décident d’aller vivre dans une RPA veulent rester dans leur région. La raison est très facile à comprendre et légitime, et l’on comprend pourquoi de nombreux propriétaires soulignent que leur RPA se trouve parmi tous les services, et que d’autres, surtout en région, mettent de l’avant le fait qu’elle soit implantée dans son milieu en répondant aux exigences des gens du milieu, comme par exemple en matière de nourriture locale.

Une récente étude fait d’ailleurs état d’une recherche sur l’esprit d’appartenance des aînés à leur milieu (1). On y utilise divers concepts tels que déplacements direct ou indirect (ou symbolique, c’est-à-dire que le milieu où vit un individu est affecté par divers changements, sans que cet individu ne soit mené à le quitter), le concept de vieillir sur place (aging in place), etc…

Une façon intéressante d’aborder la résidence privée dans ses rapports avec son milieu est de se concentrer sur le milieu lui-même : qu’arrive-t-il lorsqu’il se met à changer ? Cette problématique nous a été inspirée par cette étude qui traite du phénomène de gentrification dans un quartier de Montréal, le quartier de Rosemont Petite-Patrie (1).

Mais tout d’abord qu’est-ce que la gentrification ? Selon les auteurs,

La gentrification se définit comme un phénomène physique, économique, social et culturel impliquant un quartier autrefois occupé par des classes défavorisées et dans lequel on constate « l’invasion » par une population (plus) favorisée (p. 61)

Les conséquences pour les personnes âgées sont importantes, étant donnée leur tendance à se confiner dans un milieu restreint en vieillissant soit le voisinage immédiat: fermeture de commerces familiers; rajeunissement de la population ; présence d’immigrants qui, bien entendu, changent le visage du quartier. Les auteurs soulèvent par exemple la fermeture du cercle de l’âge d’or, faute de personnel pour le maintenir, comme ayant une conséquence sur la perte de pouvoir des aînés, qui se trouvent ainsi privés d’un moyen de se rassembler, de « se faire voir ». Par contre, pour certains, il semble que la gentrification ne soit pas que négatif.

Où se situent les RPA dans tout ceci ?

Disons tout de suite que, comme de nombreuses recherches actuelles, celle-ci ne traite pas spécifiquement de RPA. Les auteurs centrent leurs observations sur des personnes âgées qu’ils ont questionnées sur les changements qui sont survenus et surviennent dans le quartier, cherchant à mesurer leurs perceptions des dits changements et les impacts sur leur bien être et leur capacité à prendre leur place dans la société. Nous tenterons donc ici de ne relever que quelques éléments particuliers, mais en vous encourageant, comme toujours, à consulter cet intéressant article.

Premièrement, il semble que les personnes vivant dans des appartements perçoivent moins les changements que les propriétaires. Parmi ceux-ci, les personnes interrogées par les chercheurs ont de fait noté des éléments propres à la gentrification que les locataires, bien évidemment, ne perçoivent pas : comme par exemple la hausse de la valeur des propriétés, ou une perception très générale des changements.

Les personnes demeurant en habitation à loyer modique (HLM) ou en résidences pour personnes âgées perçoivent généralement peu les changements affectant le quartier. Malgré les questions qui leur sont posées, plusieurs des personnes vivant dans ces habitations se limiteront souvent à décrire les changements notés dans leur HLM ou leur résidence, laissant quelque peu l’impression de vivre dans une sorte de « bulle ». (p. 69)

De plus, les chercheurs ont eu la bonne idée de questionner deux groupes ethniques : les franco italiens, très présents dans le quartier, et les Canadiens français. Ils ont relevé de multiples différences entre les deux groupes, et en particulier, le fait que les premiers sont plus intégrés à leur milieu, au point qu’ils ont entrepris des démarches pour créer une RPA dans leur quartier :

Les personnes âgées de cette communauté ont d’ailleurs entrepris des démarches pour la construction d’une résidence pour personnes âgées avec incapacités afin de leur permettre de demeurer dans le quartier. Les personnes âgées, qui représente une proportion importante de la population italienne du quartier, semblent avoir conservé leur place dans le quartier (p. 74).

L’article ne parle pas de ce projet de construction d’une résidence d’aînés ; mais il serait évidemment intéressant de voir la suite, puisque cela semble provenir de l’initiative des principaux intéressés. On pourrait ajouter que les personnes âgées qui ont été interrogées dans le cadre de cette recherche étaient toutes « mobiles ». Les personnes âgées non autonomes n’ont donc pas été interrogées.

Voici donc les conclusions que cette étude nous suggère : le milieu est évidemment essentiel pour les aînés. Mais la perception du milieu (notamment à travers la gentrification) est différente selon personnes âgées. Dans cette étude, par exemple, les personnes âgées d’origine italienne ne perçoivent pas le phénomène de la même façon que les canadiens-français. Par ailleurs, le fait d’être locataire ou petit propriétaire affecte aussi la perception. Mais il serait intéressant de se demander en quoi les RPA peuvent avoir un impact positif sur le bien être des gens dans un quartier donné. Cette étude, en tout cas, suggère qu’elles peuvent être la manifestation d’un certain maintien du pourvoir des aînés sur leur milieu (pour le cas des aînés italiens qui projettent de créer une résidence d’aînés) ou d’un maintien d’une certaine stabilité (pour ce qui est des aînés locataires qui perçoivent peu la gentrification).

Ce qui démontre, encore une fois, tout l’intérêt qu’il y aurait à tenter de cerner plus précisément la problématique des résidences d’aînés dans notre société en effectuant des recherches systématiques sur le sujet…

REFERENCES

(1) LAVOIE, Jean-Pierre, ROSE, Damaris, BURNS, Victoria et Véronique COVANTI, « La gentrification de La Petite-Patrie. Quelle place et quel pouvoir pour les aînés ? » In Diversité urbaine, vol. 11, no.1, pp. 59-80.

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