QUAND UN RÉSIDENT DISPARAIT D’UNE RÉSIDENCE POUR PERSONNES ÂGÉES

Il y a quelques années, un article faisait état de la triste situation des personnes âgées dans le monde qui ont de plus en plus tendance à se suicider. Le chercheur qui est l’auteur de l’étude s’exprimait ainsi :

Nos personnes âgées ont perdu beaucoup de leur pourvoir d’achat depuis 2000 et ont de la difficulté à arriver. Je crois que nos aînés, malades, isolés et sans source de revenus suffisante, prennent des décisions extrêmes pour éviter de devenir un fardeau pour leurs enfants dans une société de plus en plus vieillissante (1)

Est-ce tout ? On peut supposer que les causes de suicides peuvent être variées, mais que, dans le contexte du vieillissement de la population, les résidences pour personnes âgées auront de plus en plus à tenir compte du mal d’être de leurs résidents. La question est donc de savoir jusqu’où doivent s’étendre les obligations des RPA en face d’un problème qui nous semble d’abord un problème de société…

Or, à la même époque, le coroner avait remis les résultats de son enquête portant sur la mort d’une dame de 60 ans qui avait quitté la résidence où elle vivait depuis peu et a été retrouvée morte dans une grange, quelques jours plus tard. Le coroner avait conclu que si la cause du décès était l’hypothermie, il s’agissait selon lui d’un suicide ; en effet,

À une centaine de mètres de ce lieu d’entreposage, il y avait une maison où elle aurait pu aller chercher de l’aide si elle jugeait que sa vie était en danger(…). Sa porte de sortie était tout près, et pourtant, elle a choisi de ne pas la prendre. Compte tenu des renseignements que je détiens, j’ai déterminé que cette femme a choisi délibérément de s’isoler dans ce bâtiment (2)

Disons tout de suite qu’aucun blâme n’a été porté à la résidence qui hébergeait la dame. À ce sujet, le journaliste Mathieu Boivin, qui a discuté avec le coroner, avait cité les paroles de ce dernier :

Le personnel de la résidence a accompli un travail impeccable auprès de cette dame (…). Je n’ai aucune récrimination à leur faire. C’est un endroit qui a une excellente réputation et qui n’a rien à se reprocher dans le décès de cette dame (2)

Il n’empêche que des cas de ce genre, soit la disparition d’un(e) résident(e), n’est pas si rare dans les résidences d’aînés, même s’ils ne se terminent pas toujours par un décès. Il ne s’agit pas ici de revenir sur cette triste histoire, mais il nous semble que certains éléments de cette histoire nous permettent de saisir les limites d’une RPA à veiller sur ses résidents. En effet, de nombreux commentaires tirés des articles publiés à cette occasion confirment que cette résidence, accueillant des personnes autonomes et semi-autonomes, n’avaient aucun droit d’empêcher ses résidents de sortir quand ils le désirent :

Comme il s’agit d’une résidence pour personnes autonomes et semi-autonomes, les résidants sont responsables de leurs allées et venues (3)

Ce que confirme à sa façon le propriétaire de ladite résidence

C’est une résidence de personnes autonomes, ce n’est pas une prison, ce n’est pas une aile psychiatrique, ce n’est pas une aile d’Alzheimer. C’est un milieu de vie ou les gens sont libres d’entrer et de sortir quand ils le veulent (4)

Cela dit, cette triste histoire nous rappelle encore une fois que le vieillissement de la population nous oblige à revoir toute l’organisation entourant les personnes âgées fragilisées, même si cette dame n’était pas si âgée que cela !

Les articles consultés nous la décrivent comme une personne souffrant de dépression. Le coroner faisait d’ailleurs remarquer qu’elle pensait au suicide.

Son mari étant mort en 2010, Mme Sévigny souffrait notamment de solitude et présentait une situation financière précaire. Elle prenait des médicaments pour traiter son état, mais elle avait tout de même tenu des propos suicidaires dans les jours précédent son décès. La veille de sa disparition, elle avait même signé un pacte de non suicide (2)

C’est ainsi que la dame s’est retrouvée dans cette résidence, « pour se reprendre en main » (3). Lors de son départ de la résidence, elle n’y habitait que depuis peu et il semble qu’elle n’ait entretenu que peu de rapports avec les employés et les résidents. Mais la dame aurait quand même averti un employé qu’elle ne viendrait pas dîner. Elle serait partie, croit-on, pour revenir chez elle, bien qu’il semble qu’elle n’ait pas parlé de son désir à personne, comme le confie son fils à un journaliste :

C’était un nouvel environnement pour elle. C’était pas vraiment ces questions là, on essayait de l’arranger et de la meubler pour la résidence. On était en train de l’installer pour essayer de vivre son nouveau rythme de vie (5)

Un autre résident l’a également décrite ainsi : Elle avait l’air d’une dame qui ne se mêlait pas vraiment au monde. Elle jouait aux cartes, mais elle ne parlait pas beaucoup » (3).

Et si les parents de la dame et les autres résidents ignoraient ses projets, comment le propriétaire et les employés auraient pu les connaître ? Le propriétaire, d’ailleurs, affirme qu’il ignorait que la dame se remettait d’une dépression.

Selon lui, Mme Sévigny était tout à fait lucide. Ni la famille ni l’hôpital oû elle avait été traitée ne lui avaient fourni d’indications particulières sur son état de santé (3)

Lorsqu’une personne est dépressive, voire même suicidaire, on rappelle que la communication est essentielle, que ce soit dans une résidence pour aînés ou ailleurs. Et on sait qu’il n’est pas toujours facile d’établir cette relation en si peu de temps, car la dame n’habitait que depuis peu à la résidence.

Ce qui nous frappe aussi dans cette histoire, c’est la participation de la communauté à la recherche de la dame. En effet, non seulement la police mais aussi plusieurs bénévoles ont participé à la recherche. Bien plus, les résidents des autres villages ont aussi été invités à y prendre part.

Qu’elle est notre conclusion sur cette triste histoire?

Premièrement, la résidence n’a pas été mise en cause, puisqu’il ne s’agit pas d’enfermer des résidents autonomes dans une RPA. Lorsqu’il y a une disparition dans un endroit qui accueille des personnes autonomes, ce n’est pas toujours la faute de la RPA.

Deuxièmement, il demeure extrêmement difficile de déceler le mal d’être chez une personne, jeune ou âgée (puisque cette dame n’avait que 60 ans), que ce soit dans une résidence pour aînés ou ailleurs. Ce qui nous autorise tout de même à penser qu’un effort particulier devrait être mis de l’avant pour développer des techniques permettant précisément de le déceler, et pas seulement par les gestionnaires de RPA mais aussi par les proches, les autres résidents, les employés, voire même les membres de la communauté ! Encore ici, développer des moyens de communication permettant des échanges entre tous ces gens nous semble être une des solutions. Pensons simplement à « Parents secours » qui développe son volet aînés, afin de « (…) sécuriser le quartier de concert avec les services policiers » (6). N’est-ce pas un moyen non seulement de sensibiliser mais aussi de responsabiliser la population ?

Et troisièmement, si de nombreux pays vivent ce qu’un journaliste appelle une « véritable crise du troisième âge », affichant des taux de suicide très élevés chez les personnes de 65 ans mais que d’autres pays, dont le Canada, « échappent pour l’instant au phénomène » (1), il nous semble qu’il ne faut pas attendre d’être dans cette situation pour réfléchir au problème.

REFERENCES

(1) NORMANDIN, Pierre-André, « Les personnes âgées s’en tirent mieux ici qu’ailleurs dans le monde »,
http://www.lapresse.ca/actualites/quebec-canada/sante/201209/09/01-4572473-les-personnes-agees-sen-tirent-mieux-ici-quailleurs-dans-le-monde.php

(2) BOIVIN, Mathieu, « Mort de Jeanine Sévigny : aucun blâme à la Villa Laurence »,
http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/justice-et-faits-divers/201207/23/01-4558295-mort-de-jeannine-sevigny-aucun-blame-a-la-villa-laurence.php

(3) MATHIEU, Annie et Marie-Pier DUPLESSIS, Disparition à Laurier-Station : bénévoles et policiers à pied d’œuvre,
http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/justice-et-faits-divers/201112/26/01-4480951-disparition-a-laurier-station-benevoles-et-policiers-a-pied-doeuvre.php

(4) DUPLESSIS, Marie-Pier et Olivier Parent, « Triste fin pour la famille Sévigny »,
http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/justice-et-faits-divers/201112/28/01-4481308-triste-fin-pour-la-famille-sevigny.php

(5) PARENT, Olivier, « Jeanine Sévigny retrouvée morte : « Je veux pas nécessairement comprendre » dit son fils,
http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/justice-et-faits-divers/201112/28/01-4481307-jeannine-sevigny-retrouvee-morte-je-veux-pas-necessairement-comprendre-dit-son-fils.php

(6) TRAHAN, Brigitte, « Parents-secours veut développer son volet aînés » http://www.lapresse.ca/le-nouvelliste/actualites/201109/20/01-4449344-parents-secours-veut-developper-son-volet-aines.php

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