RÉSIDENCES POUR PERSONNES ÂGÉES ET JUSTICE ENVIRONNEMENTALE

Les résidences d’aînés font désormais l’objet de recherches variées et originales. Nous en avons décrites quelques unes dans des articles précédents qui tous mettent en relief le rôle des résidences pour aînés dans la ville, comme la planification urbaine (1), la gentrification (2) ou la constitution d’une typologie des résidences pour personnes âgées au sein de la ville (3).

Nous voudrions parler ici d’une recherche qui visait à vérifier dans quelle mesure les résidents des résidences pour personnes âgées de l’île de Montréal font l’objet d’une iniquité environnementale. (4). L’injustice environnementale a fait l’objet de nombreux travaux depuis les années 1980, et les Cahiers de géographie du Québec ont consacré un numéro spécial sur le sujet en 2013 (5).

Les personnes âgées victimes d’une injustice environnementale?

En gros, ce courant de recherche postule que certains groupes sociaux, tels les groupes ethniques et les pauvres, peuvent être victimes d’une injustice environnementale : ils n’ont pas ou peu accès à des parcs ou aux services de santé, par exemple, ou vivent dans des endroits qui peuvent affecter leur santé, contrairement aux groupes plus « favorisés ». Ils peuvent être méprisés et privés de reconnaissance, ce qui, bien souvent, fait en sorte qu’ils n’ont pas la possibilité de se faire entendre dans le processus démocratique (5).

On considère de plus en plus les personnes âgées, comme formant un groupe susceptible d’être touché par l’injustice environnementale; en effet,

Des auteurs considèrent qu’on devrait accorder aux personnes âgées une plus grande place dans les travaux sur la justice environnementale du fait de leur marginalisation dans la société ou de leur plus grande vulnérabilité physiologique aux éléments négatifs de leur environnement (4) (p. 240)

Les résidences pour personnes âgées et la justice environnementale

Mais à l’intérieur du groupe des personnes âgées de 65 ans et plus, un autre type de ségrégation peut évidemment exister, fondée celle-là sur le revenu. Et c’est ici qu’entrent en jeux les résidences pour personnes âgées :

(…) pour obtenir leur accréditation, ces résidences doivent offrir de très bonnes conditions de logement et de nombreux services sur place. Conséquemment, elles exigent généralement des loyers et des frais élevés pour les services; on peut donc en conclure qu’elles desservent une clientèle appartenant aux couches moyennes et supérieures (4) (p.242)

Quant aux personnes âgées à faible revenu de l’île de Montréal, elles habitent plutôt dans des immeubles de logements sociaux pour personnes âgées.

Résidences privées certifiées et résidences du parc social

Pour vérifier si les personnes âgées à faible revenu sont victimes d’une injustice environnementale, les chercheurs ont voulu savoir si les logements sociaux étaient situés dans des lieux où le taux de polluants atmosphériques est plus élevé. Nous vous invitons à lire l’article en question qui décrit dans le détail la démarche méthodologique des chercheurs (4).

Rappelons simplement que les résidences privées pour personnes âgées et les logements sociaux de l’île de Montréal sont effectivement situés dans des lieux différents : on retrouve les premières le plus souvent près des autoroutes, « dans des municipalités ou arrondissements situés aux extrémités est et ouest de l’île de Montréal » (1) (p. 249) tandis que les secondes se trouvent le plus souvent dans les arrondissements et dans les quartiers centraux, et sont donc éloignées des autoroutes mais en revanche plus près des grands axes routiers (4) (p.251).

Cette recherche montre que les résidences du parc social sont en présence d’un niveau plus élevé de dioxyde d’azote (NO2), même si elles sont éloignées des autoroutes, du fait de la grande circulation des voitures. Cependant,

Il serait toutefois abusif de conclure que les résidents du parc social montréalais font face à une situation d’iniquité environnementale en ce qui a trait à la concentration de NO2 mesurée dans leur milieu, car cette dernière est bien inférieure au seuil fixé par l’OMS, et les écarts entre les résidences privées et celles du parc social restent limités (4) (p. 252)

Quelques commentaires et quelques questions

Cette recherche démontre que le monde de l’habitation pour aînés peut être un objet d’étude fécond et nécessaire. Mais nous aimerions faire quelques remarques sur l’étude en question :

a) Pour établir la liste des résidences privées certifiées de l’île de Montréal, les chercheurs ont consulté le registre du MSSS, mais ils ajoutent que « Nous avons pris soin d’exclure les très rares résidences appartenant au parc social qui y figuraient » (4) (p.244). Ce faisant, ils excluaient les résidences situées dans les parcs sociaux qui figuraient dans le groupe des résidences pour personnes âgées ayant un revenu relativement élevé…

b) Cette étude ne tient visiblement pas compte de la nouvelle certification qui distingue désormais les résidences d’aînés s’adressant à des personnes autonomes et celles qui s’adressent plutôt aux personnes âgées semi-autonomes (Art.2 du « Règlement » pour l’obtention d’un certificat de conformité) (6)

c) Les auteurs ont basé leur recherche sur la proximité des axes routiers comme élément pouvant favoriser une présence accrue de polluants atmosphériques. Et pourtant leur conclusion n’est pas concluante, comme on l’a vu plus haut. Et les auteurs d’ajouter que « L’utilisation de paramètres mesurant la proximité des axes majeurs de circulation pour estimer les niveaux d’exposition aux polluants fait d’ailleurs l’objet de critiques dans la littérature, car ces paramètres ne rendent pas nécessairement compte de la concentration réelle de polluants atmosphériques » (4) (p. 249). Dans ce cas, y’aurait-il d’autres avenues à explorer dans le cadre de recherches futures?

On voit que de telles études sont riches de possibilités et la distinction entre les résidences appartenant aux parcs sociaux et les résidences d’aînés certifiées s’inscrit évidemment dans l’histoire sociale de Montréal.

Mais qu’adviendra-t-il dans l’avenir, avec la distinction entre résidences privées pour personnes autonomes et résidences privées pour personnes semi-autonomes? Et que dire de la fermeture de nombreuses résidences pour personnes âgées par des propriétaires incapables de respecter les exigences de la nouvelle certification? N’y aura-t-il pas relocalisation de plusieurs personnes âgées?

Des études devraient donc être entreprises régulièrement afin de suivre l’évolution des ressources d’hébergement pour aînés…

(1) « Les RPA et la planification urbaine », BRP 76,
http://www.richardperreault.net/brp/76Web.html

(2) « Les RPA et la gentrification », BRP 72,
http://www.richardperreault.net/brp/72Web.html

(3) « Une recherche scientifique originale sur les RPA » BRP 71,
http://www.richardperreault.net/brp/71Web.html

(4) CARRIER, Mathieu, SÉGUIN, Anne-Marie et Philippe APPARICIO, « Les résidences pour personnes âgées de l’île de Montréal appartenant aux parcs social et privés : une exposition inéquitable à la pollution de l’air? », Cahiers de géographie du Québec, vol. 57, no.161 (septembre 2013), pp. 239-256.

(5) SÉGUIN, Anne-Marie et Philippe APPARICIO, « Justice environnementale », Cahiers de géographie du Québec, vol. 57, no.161 (septembre 2013), pp.211-214.

(6) MSSS, Règlement sur les conditions d’obtention d’un certificat de conformité et les normes d’exploitation d’une résidence privée pour aînés,
http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=3&file=/S_4_2/S4_2R5_01.HTM

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ptBRP 81.2

 

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