Y ’a-t-il un lien entre la dépression et le vieillissement? Selon une étude canadienne cette relation n’est pas prouvée et fait l’objet de débats dans le milieu scientifique (1). Un autre article souligne que c’est d’abord une maladie qui doit être soignée et qu’elle peut toucher tous les âges et pas seulement les personnes âgées (2).
Mais si la relation entre vieillissement et dépression n’est pas prouvée, l’étude citée plus haut, basée sur l’analyse de 50 000 personnes âgées vivant en milieu d’hébergement, révèle un fait troublant : 44% des personnes étudiées présentaient des symptômes de dépression où avaient un diagnostic de dépression.
Il semble que les personnes âgées vivant « en collectivité », (selon les termes utilisés par les auteurs de l’étude), sont moins dépressives que celles vivant en hébergement (1) (p.2). On comprend donc qu’un organisme comme l’Association canadienne pour la santé mentale a lancé un programme intitulé : « Hébergement, logement et santé mentale » (3), et on comprend l’intérêt qu’il y a à étudier la dépression des personnes vivant en milieu de soins…
L’étude dont nous parlons ici est considérée sur ce point comme l’une des plus importantes sur le sujet. Voilà pourquoi nous en parlons ici même si l’article a été publié en 2010… Notons aussi que le Québec n’est pas inclus dans l’étude, ce qui n’enlève rien à la pertinence de la recherche.
Mesurer les facteurs de dépression en milieux d’hébergement
- Les facteurs médicaux qui se manifestent par une instabilité, la perte de poids et la possibilité d’avoir de nouvelles infections, quand ce n’est pas tout bonnement la réapparition d’une ancienne infection;
- Les facteurs fonctionnels, qui se manifestent par une de perte d’autonomie, des difficultés à communiquer et des chutes;
- Les facteurs sociaux qui se manifestent par un comportement agressif accru (incluant des conflits avec le personnel) et l’abandon d’activités qui étaient pratiquées auparavant.
- Les facteurs de la qualité de vie, soit des troubles du sommeil, des douleurs quotidiennes et de l’incontinence.
- Enfin, l’utilisation des ressources, soit la proportion des personnes âgées de 65 ans et plus qui ont bénéficié d’une évaluation par un professionnel et qui suivent une psychothérapie.
On notera que ces diverses symptômes ne relèvent pas toujours de la dépression. Alors, comment savoir si un résident est dépressif?
Les limites du diagnostic
Bien qu’il y ait des échelles de mesures permettant la détection de la dépression basée sur des symptômes de la dépression (colères, craintes, peurs, etc.), il semble que détecter la dépression ne soit pas un exercice aussi facile qu’il n’y paraît.
Les personnes âgées ont en effet tendance à trouver d’autres causes à leur dépression soit, par exemple, les relier à un ou des symptôme(s) physique(s). Il y a aussi ce que les auteurs appellent la « dépression sans tristesse », quand ce n’est pas tout bonnement l’acceptation de cette situation « parce que c’est normal quand on est vieux », ce qui, comme on l’a vu, est une très mauvaise façon de concevoir la dépression!
Quant aux chercheurs, ils font une distinction entre symptôme et diagnostic et, parmi les résidents, entre ceux « (…) présentant des symptômes de dépression et ceux qui sont appelés « asymptomatiques ».
En effet, certains résidents présentent des symptômes et reçoivent un diagnostic, d’autres non. D’autres résidents qui ne présentent pas de symptômes (il faut noter ici que les symptômes sont calculés en fonction d’un seuil, et qu’un individu ayant un seuil plus bas, ne sont pas exemptes pour autant de symptômes de dépression et peuvent par conséquent aussi bénéficier de soins, pour éviter que leurs symptômes ne s’aggravent) peuvent aussi être diagnostiqués, ou non… L’étude a révélé de telles situations dans tableaux très significatifs.
La dépression dans les milieux d’hébergement est donc un problème majeur. On rêve d’un monde où les personnes âgées en institution seraient suivies régulièrement non seulement pour repérer celles qui sont considérées « dépressives » (car atteignant ou dépassant le seuil) mais aussi celles qui pourraient le devenir si leurs symptômes, jugés pour l’instant assez faibles, venaient à augmenter.
Et les RPA ?
Les résultats de cette étude nous suggèrent qu’ « être en situation de soins », donc être hébergé dans un lieu où on prodigue des soins, peut comporter des risques de dépression pour les résidents. Et si l’on se rappelle que la dépression peut avoir un effet néfaste sur la santé, voire même accélérer le vieillissement, n’est-il pas paradoxal que le phénomène se produise dans des lieux où, précisément, la promotion d’une santé optimale (eut égard à l’état de la personne âgée) et de son maintien sont à l’honneur?
À un époque où les RPA sont de plus en plus impliquées non pas seulement dans l’accueil des personnes âgées dans un contexte de type « hôtelier » mais aussi et surtout dans un contexte qui ressemble de plus en plus à cette « situation de soins » relevée plus haut, on peut conclure que les résidents eux-mêmes peuvent devenir de bons indicateurs de la qualité des ressources d’hébergement.
(1) Institut canadien d’information sur la santé, La dépression chez les personnes âgées dans les établissements de soins en hébergement, Mai 2010,
https://secure.cihi.ca/free_products/ccrs_depression_among_seniors_f.pdf
(2) GENEST, Françoise, « La dépression en vieillissant, normal? »
https://www.lebelage.ca/sante-et-mieux-etre/traitement-et-prevention/la-depression-en-vieillissant-normal?page=all
(3) Voir sur le site de l’Association canadienne pour la santé mentale :
http://acsmmontreal.qc.ca/a-propos-de-notre-programme-hebergement-logement-et-sante-mentale/