Il est de bon ton de parler d’éthique dans le milieu de l’hébergement pour aînés. L’article 36 du Règlement sur les conditions d’obtention d’un certificat de conformité souligne en effet que :
L’exploitant d’une résidence privées pour aînés doit adopter, à l’intention de ses administrateurs, des membres de son personnel, de ses bénévoles et de toute autre personne qui œuvre dans la résidence, un code d’éthique qui précise les pratiques et les comportements attendus à l’égard des résidents (1) |
Et on décrit les droits des résidents et de leurs proches: droit au respect, à l’information, à la confidentialité et à la discrétion (article 36 alinéa 1 2 et 3). Par ailleurs, les employés n’ont pas le droit de solliciter ou de recevoir des donations ou des legs (alinéa 4)…
Le code d’éthique, tel que défini par le Règlement, vise donc à protéger les résidents des abus et des négligences de la part des employés. Mais l’éthique offre bien plus à une organisation. Elle donne non seulement un sens au travail des intervenants, mais propose aussi des voix d’entente entre les ressources d’hébergement et le réseau de la santé.
C’est ce qui ressort du dernier numéro de la revue Le Relief, publiée par l’Association des ressources intermédiaires d’hébergement du Québec (Arihq). Comme toujours, cette revue nous présente un dossier où la réflexion et les pratiques s’amalgament harmonieusement pour inspirer tous les milieux d’hébergement. Vous pouvez consulter ce numéro ici même (2).
Donner un sens au travail en RI
Au-delà de préceptes inscrits une fois pour toutes dans un code d’éthique, l’éthique plonge au plus profond d’une organisation. René Villemure, éthicien, souligne que
Parce que l’éthique est aussi une façon d’agir, l’éthique est également un élément de culture d’une organisation qui cherche à donner un sens à la conduite (…). Sans le sens, comment l’éthique peut elle suggérer une direction? En réduisant l’éthique à des codes, à un ensemble de normes qui souvent évacue le sens, comment l’éthique peut-elle déterminer le sens à donner à une conduite ? (3) (p.14) |
Ainsi, le code d’éthique en lui-même n’est pas tout. Car l’éthique n’est jamais bien loin du travail quotidien des intervenants. On parle d’ailleurs d’ « éthique appliquée » et de « culture éthique » comme le souligne Luc Vallerand, Directeur du service aux membres et des communications, l’Arihq,
Une prestation de soins et d’assistance de qualité dans nos milieux de vie ne peut être uniquement le fait de règles, de normes et de directives qui toutes réfèrent au concept de « conformité » à une structure. Cette prestation de services doit s’appuyer sur une « culture » de l’éthique appliquée qui réfère constamment au sens donné au geste quotidien dans le « bien faire » (4) (p. 6) |
À titre d’exemple, l’auteur parle du
(…) dilemme éthique entre la nécessité de donner des soins d’hygiène corporelle et celle de prendre soin dans le respect d’autrui en ajustant ces soins aux préférences de la personne. (4) (p.6) |
De fait, pour certains résidents, « un long bain thérapeutique avec massage peut être considéré comme une atteinte à son intégrité » (Ibid.). Alors comment procéder?
Une réflexion basée sur des cas concrets
On comprendra qu’un des articles de ce numéro spécial est consacré à « la souffrance morale au travail » de ces gens soumis aux exigences du système de santé mais tenus en même temps d’offrir de la bientraitance à leurs résidents, ce qui implique de respecter l’intégrité de ces derniers (5). Et si la situation se retrouve dans les RI, on sait qu’on la retrouve aussi dans d’autres milieux où l’on offre de soins et des services, comme les CHSLD et les RPA…
Mais l’éthique permet en outre de réfléchir sur les « bonnes pratiques » dans le cadre d’un partenariat qui lie les ressources intermédiaires aux institutions. Annie Gauthier a repéré 3 « zones de tensions » (6) (p.11) entre les établissements et le réseau de la santé, alors qu’en principe, cette relation devrait être basée sur la bonne foi.
- La première concerne les communications. Les intervenants ne se sentent pas pris au sérieux et sont exclus de la prise de décision. Dans les faits, il arrive souvent qu’on leur cache l’état véritable d’un patient pour s’assurer qu’il soit accepté.
- La deuxième concerne le contrôle de la qualité. Compte tenu du fait que chaque RI est différente il semble logique que le contrôle de la qualité soit le fait de chaque RI.
- Enfin, la troisième zone de tension relevée par Annie Gauthier concerne les rumeurs créées par un seul résident qui « remet en cause le travail d’équipe ».
Grâce à l’éthique appliquée, on pourrait résoudre certains problèmes pratiques auxquels font face non seulement les individus, mais aussi l’organisation dans son ensemble et les rapports entre cette dernière et le réseau de la santé, tout cela pour le mieux être des résidents, et ce pour tous les types d’hébergement.
(1) Règlement sur les conditions d’obtention d’un certificat de conformité,
http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=3&file=/S_4_2/S4_2R5_01.HTM
(2) « L’éthique dans les milieux de vie : quelles valeurs pour quelles pratiques? », Le Reflet, Janvier 2016, vol. 2 no. 1. Vous pouvez consulter ce numéro ici même à cette adresse:
http://arihq.com/wp-content/uploads/2016/03/LERELIEF_160314_vf_pagesdouble.pdf(3) VILLEMURE, René, « Le code sans éthique », Le Relief, Volume 2 no. 1 (janvier 2016), pp. 14- 17.
(4) VALLERAND, Luc, « Soins aux résidents : donner les soins attendus ou donner les bons soins? Une réflexion entre les valeurs et l’éthique appliquée », Le Reflet, Janvier 2016, vol. 2 no. 1, pp. 4-6.
(5) RICHARD, Stéphane, « La souffrance morale au travail : enjeux pour les intervenants en RI », Le Relief, Volume 2 no. 1 (janvier 2016), pp. 18-21.
(6) GAUTHIER, Annie, « La confiance incertaine : des zones de tensions dans les relations de partenariat », Relief, Volume 2 no. 1 (janvier 2016), pp. 8-13.